Le Cameroun, ses régions du Nord et de l’Extrême-nord ont connu en 2015 l’atrocité des attentats terroristes perpétrés par la secte islamiste Boko haram. Le gouvernement a déclaré la guerre à cette abomination et le peuple camerounais a suivi en se mobilisant derrière son armée. Les attaques terroristes n’ont pas cessé et la psychose s’est installée. Psychose qui a mis à mal l’unité du pays. Au Sud la méfiance envers les ressortissants du Nord s’est installée et les Camerounais du Nord se sont sentis abandonner par les habitants du grand Sud.
Ayant passé 6 ans de ma vie dans une université dans cette partie du pays, je n’arrivais pas à me faire à l’idée véhiculée par certains médias que les nordistes étaient des terroristes. C’est dans ce climat délétère que je décide en 2017 d’aller au Nord du pays afin de témoigner de ce qui s’y passe.
A GAZAWA, ville située à une trentaine de kilomètres de Maroua où a eu lieu l’attaque la plus sanglante de Boko haram, j’ai rencontré ceux qu’on appelle « Les déplacés ». Il s’agit des Camerounais vivant dans les villages et villes frontaliers au Nigéria qu’on a déplacés vers des endroits où la présence de l’armée est effective. Leur installation bien que temporaire a été la source de beaucoup de problèmes. L’accès à la terre leur est refusé par la population autochtone. Le logement est presque inaccessible à cause des loyers élevés.
Les OING telle que la Croix Rouge (CR) se sont mobilisées. La CR a administré les soins médicaux et a mis sur place un programme d’aide alimentaire (de juin à septembre 2017). D’autres projets ont été mis sur pied par la CR afin de rendre indépendants les déplacés camerounais. Ces projets à mon avis n’ont pas été forgés sur une étude sérieuse du terrain. Je prends pour exemple le projet du moulin à moudre le maïs. La CR a demandé aux femmes en situation précaire de se réunir afin de gérer un moulin dont l’achat a été financé par la CR. L’argent produit par le moulin est sensé améliorer le quotidien des familles et acheter le gasoil nécessaire au fonctionnement de la machine. Le bémol dans cette histoire étant le gasoil. Comment rentabiliser une machine qui fonctionne au gasoil dans une contrée où il y a de l’électricité à bon prix et des machines à moudre qui fonctionnent à l’électricité ? La machine est à l’abandon et ne profite à personne !
Le camp des réfugiés géré par le HCR est à quelques encablures de GAZAWA et n’accueille pas les déplacés camerounais. Les réfugiés nigérians qui y vivent sont pris en charge à 100% et cette situation est une source de frustrations pour les déplacés qui se sentent abandonner par l’Etat camerounais et la communauté internationale.
J’ai voulu à travers ces portraits montrer ces visages qui endurent ces maux, cette douleur, cette injustice. Ces personnes qui n’ont pas demandé à être là, ces personnes qui ont perdu chacune des membres de leur famille. Ces personnes qui ont pour unique rêve soit un toit, soit de la nourriture.
Ces Camerounais, ces humains qui par notre faute, le fait que nous préférions regarder ailleurs, risquent de se transformer en des extrémistes…