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J'ai remporté il y a quelques jours le "Prix de la photographie" lors d'une magnifique soirée organisée par la "Cameroon Creativity Awards", #cca.
Quand ma femme me l'a annoncée, j'ai dit : "woooow comment je vais faire pour remercier tous ces humains donc les conseils m'ont permis d'en arriver là : obtenir ce prix qui est d'abord le leur". Mission impossible.
Merci au Cameroon Creativity Awards pour l'initiative.
Merci à ma maman qui m'a permis de puiser des forces dans ses silences. Merci à mes frères et soeurs en particulier Freddy TCHATCHOUA qui a toujours cru en moi et m'a offert mon tout premier appareil photo numérique.
Merci à Landry Mbassi qui m'a mis le pied à l'étrier.
Merci à mon frère Rass et à Corentin Faye qui m'ont offert les portes des possibilités.
Merci à mon frère Théo, à Carine, une autre maman à moi. On a traversé tant de choses ensemble ( j'ai des larmes aux yeux juste en y pensant). Merci Carine, merci Théo.
Merci à Barthélémy TOGUO
Merci à Bil Kouelany.
Merci à Yves Xavier NDOUNDA pour le regard froid et critique qu'il a toujours eu vis à vis de mon travail.
Merci aux institutions qui m'ont toujours fait confiance, je pense aux Ateliers Sahm, Bandjoun Station, l'Institut français Cameroun, Le Centre, Doual'art, OTHNI, CIPCA, SATEC, NTHEAL...
Merci à Solange pour son soutien indéfectible.
C'est pour Faith, notre fille.
Merci.

Bénin, Cotonou, Voodoo…sorcellerie. 

Ces quatre mots sont intimement liés quand on parle de ce pays de l’Afrique  aussi connu pour son marché appelé DANTOCKPA, le plus important de l’Afrique de l’Ouest et pour son activité portuaire. Cette nation est reconnue pour inonder l’Afrique de ses pagnes aux couleurs chatoyantes et les voitures usagées qui encombrent l’Europe.

KLOBOTO est un carnet de voyage que je qualifierais de carnet de ville, résultats de mes pérégrinations dans Cotonou. Une autre façon de voir cette ville, peut être un nouveau regard ou une autre façon de l’archiver.

Traverser la ville et ses nombreux quartiers populaires et populeux à l’instar de Sikécodji, à l’arrière du « kloboto », tricycle motorisé hérité de l’Asie, est l’occasion de croiser par le biais de ce moyen de transport urbain, l’urbanité béninoise. L’insécurité qu’on vit assis derrière un zemidjan (moto-taximan) qui se faufile dangereusement et confiant entre deux véhicules tout en se moquant en Fon (langue locale) de la lenteur de ses collègues.  Les Béninois déjeunant dans des maquis le long de la route et donc quand vous croisez leur regard de votre kloboto, vous avez l’impression qu’ils vous invitent à partager le « NKOM », plat national. Il vous suffit de les crier « Bonne assise ! », formule de politesse propre au Bénin.

Découvrir Cotonou de cette manière, c’est voir la Cotonou urbaine, celle qui s’asphyxie aux heures de pointe, mais c’est aussi la chance de bénéficier du sourire fugace d’une touriste qui dans vos yeux lit l’émerveillement qui se voit dans les siens.

Le Cameroun, ses régions du Nord et de l’Extrême-nord ont connu en 2015 l’atrocité des attentats terroristes perpétrés par la secte islamiste Boko haram. Le gouvernement a déclaré la guerre à cette abomination et le peuple camerounais a suivi en se mobilisant derrière son armée. Les attaques terroristes n’ont pas cessé et la psychose s’est installée. Psychose qui a mis à mal l’unité du pays. Au Sud la méfiance envers les ressortissants du Nord s’est installée et les Camerounais du Nord se sont sentis abandonner par les habitants du grand Sud.

Ayant passé 6 ans de ma vie dans une université dans cette partie du pays, je n’arrivais pas à me faire à l’idée véhiculée par certains médias que les nordistes étaient des terroristes. C’est dans ce climat délétère que je décide en 2017 d’aller au Nord du pays afin de témoigner de ce qui s’y passe.

 

A GAZAWA, ville située à une trentaine de kilomètres de Maroua où a eu lieu l’attaque la plus sanglante de Boko haram, j’ai rencontré ceux qu’on appelle « Les déplacés ». Il s’agit des Camerounais vivant dans les villages et villes frontaliers au Nigéria qu’on a déplacés vers des endroits où la présence de l’armée est effective. Leur installation bien que temporaire a été la source de beaucoup de problèmes. L’accès à la terre leur est refusé par la population autochtone. Le logement est presque inaccessible à cause des loyers élevés.

Cartes d'identification pour recevoir l'aide alimentaire offerte par la Croix rouge

Cartes d'identification pour recevoir l'aide alimentaire offerte par la Croix rouge

Les OING telle que la Croix Rouge (CR) se sont mobilisées. La CR a administré les soins médicaux et a mis sur place un programme d’aide alimentaire (de juin à septembre 2017). D’autres projets ont été mis sur pied par la CR afin de rendre indépendants les déplacés camerounais. Ces projets à mon avis n’ont pas été forgés sur une étude sérieuse du terrain. Je prends pour exemple le projet du moulin à moudre le maïs. La CR a demandé aux femmes en situation précaire de se réunir afin de gérer un moulin dont l’achat a été financé par la CR. L’argent produit par le moulin est sensé améliorer le quotidien des familles et acheter le gasoil nécessaire au fonctionnement de la machine. Le bémol dans cette histoire étant le gasoil. Comment rentabiliser une machine qui fonctionne au gasoil dans une contrée où il y a de l’électricité à bon prix et des machines à moudre qui fonctionnent à l’électricité ? La machine est à l’abandon et ne profite à personne !

Le camp des réfugiés géré par le HCR est à quelques encablures de GAZAWA et n’accueille pas les déplacés camerounais. Les réfugiés nigérians qui y vivent sont pris en charge à 100% et cette situation est une source de frustrations pour les déplacés qui se sentent abandonner par l’Etat camerounais et la communauté internationale.

J’ai voulu à travers ces portraits montrer ces visages qui endurent ces maux, cette douleur, cette injustice. Ces personnes qui n’ont pas demandé à être là, ces personnes qui ont perdu chacune des membres de leur famille. Ces personnes qui ont pour unique rêve soit un toit, soit de la nourriture.

Ces Camerounais, ces humains qui par notre faute, le fait que nous préférions regarder ailleurs, risquent de se transformer en des extrémistes…

Les économistes s’accordent sur le fait que l’Afrique contemporaine porte en elle un potentiel économique important. Le dynamisme de sa démographie fera d’elle dans « trente-cinq ans le quart de la population mondiale » ; l’un des plus grands marchés. Ceci explique l’engouement que lui témoigne le reste du monde depuis ces dernières décennies. L’un des défis donc fera face les populations africaines sera de surmonter les multiples traumatismes (traites négrières,
colonisation, dictature, néocolonialisme…) donc elles ont fait l’objet. Ceci afin de dialoguer avec le reste du monde sans complexe.

L’Afrique se doit d’être résiliente car « sa seule urgence est d’être à la hauteur de ses potentialités » comme l’écrit l’économiste et écrivain sénégalais Felwine SARR dans AFROTOPIA, éditions Philippe REY.
Cette transformation, cette métamorphose de l’Africain, lui permettra de profiter de l’intérêt suscité par son continent. Cette résilience lui sera aussi utile pour contribuer avec ses propres armes à cette civilisation contemporaine globalisée.

La série photo «I’m not a slave, but I’m…» interroge cette résilience en s’appuyant sur un inventaire non exhaustif d’événements traumatisants tels que les traites négrières (transatlantique et arabo-musulmane), la colonisation donc certaines archives restent encore classifiées par les puissances esclavagistes et coloniales. La question posée ici est de savoir si nous pouvons être cet « homme nouveau », si nous ne connaissons pas toute la vérité liée à la mémoire qui doit motiver notre résilience?

Comment atteindre cette transformation tant souhaitée de l’Afrique si on voile un pan de son histoire aux Africains ? C’est le cas de la traite arabo-musulmane. On relève son existence en 666 dans le bassin du Lac Tchad (VIIème S ap. JC) selon Jacques GIRI dans Histoire économique du sahel aux éditions KHARTALA. Ce commerce effectué par les Arabes, plus ancien que la traite transatlantique, demeure un sujet peu évoqué en Afrique.
J’aborde ce sujet dans la série « I’m not a slave, but I’m… » en m’appuyant sur des lieux ayant un rapport symbolique avec la religion musulmane sur l'île de Gorée. On a la grande mosquée de l’île de Gorée qui a été lors de la traite négrière probablement une maison d’esclaves (esclaverie). Les fresques sur les murs de l’île reprenant le visage de marabouts musulmans.
Au-delà de la traite arabo-musulmane, nous avons la colonisation. J’ai investi les lieux historiques tels que la chambre à canon sur le castel de l’île construite pendant la période coloniale, les ruines du palais du gouverneur et les résidences des signares (femmes issues du métissage et jouissant d’un statut avantageux lors de la traite négrière)
Les photos ont en commun la présence d’un personnage féminin aux allures de spectre qui se balade entre le premier et le second plan. Cette dernière représente cette Afrique contemporaine qui fait le voyage dans le passé à la recherche de la vérité sur sa mémoire afin de commencer le processus de résilience de retour au présent. Cette mémoire qui peine à se former intégralement. Mémoire dans laquelle coexistent le flou et le net, la vérité et le mensonge, le fort et le faible. Cette résilience par la vérité absolue qui va ’émanciper l’Afrique et la libérer « […] des sentiers qu’on lui indique, mais marcher prestement sur le chemin qu’elle se sera choisi» comme le mentionne Felwine SARR dans AFROTOPIA.

Pour voir la série entière: Cliquez Ici

Dak’art 2018, 13ème édition de la biennale africaine de l’art contemporain fut pour moi une aventure extraordinaire…une aventure humaine.

Humaine parce que chaque étape que j’ai traversé pour y être a été possible grâce à la générosité, la gentillesse…

A la base de la pyramide ce fut ma rencontre avec ce lieu extraordinaire appelé « Les ateliers Sahm » qui m’offrit ma première expérience de la biennale Dak’art en off en mai 2016. Sa fondatrice Bill Kouélany voyant ce qui m’anima lors de notre visite sur l’île de Gorée me proposa une résidence sous la direction d’une personne qui est devenue avec le temps un grand frère : Corentin Faye aka Mister Co. Je passa 3 semaines en novembre 2016 sur l’île de Gorée et je rencontrai Aïssatou Ciss, jeune fille passionnée par l’art et d’une générosité hors du commun. Elle accepta de me suivre dans les nuits glaciales sur l’île afin de poser pour moi. J'ai travaillé durant 3 semaines de 22h à 4h du matin alors que certains au Cameroun croyaient que je me dorais la pilule sur la plage.

Je me souviens de ne pas avoir suffisamment d’argent pour vivre à mon aise. Mister Co et sa famille me prirent sous leurs ailes. Ils me considèrent comme l’un des leurs, un CISS, j’en suis honoré.

Le corpus visuel de la série « I’m not a slave, but I’m… » en main, je me devais de m’attaquer à la rédaction du texte de présentation. J’ai envoyé le portfolio à un panel restreint constitué de commissaires d’exposition, de critiques d’art, d’artistes de renom ou pas et de simples citoyens. J’ai été en dialogue durant 3 mois avec certaines personnes afin de trouver les bons mots pour mon statement. Je pense aux différents rendez-vous avec Ange Tchetmi sur Facebook qui durant une semaine, tous les soirs discutaient avec moi et éprouvaient l’argumentaire de mon travail. Les mails que j’ai échangés avec Akire Simin qui m’interpellait à la vérification des faits historiques que je citais des fois sans contextualiser. Je me souvins des remarques de Christine Eyéné sur le titre des photos que j’ai pris en compte et qui fonctionnent très bien aujourd’hui. Je ne pourrais citer tout le monde. Qu’ils trouvent ici ma gratitude.

Ce travail collégial à l’image de la construction par les villageois de la maison de l’un des leurs a été une expérience humaine et a permis à NOTRE travail d’être retenu dans la sélection officielle de la 13ème édition du Dak’art.

Une préparation à échelle humaine. Une volonté ferme des aînés de m’accompagner dans cette aventure s’est matérialisée par la conception et la production de supports de communication que m’ont offert Landry Mbassi de LOCO et Rodrigue Mbock de Globule Studio.

Mon séjour à Dakar aurait pu être difficile car l’organisation il faut le dire avait des priorités qui n’étaient pas toujours en adéquation avec celles des artistes. Je reviendrai dessus dans un autre post. Le team Bandjoun station à travers son directeur Germain NoubiBarthélémy Toguo et la charmante Carine Djuidje a été un refuge pour moi. Je me souviens de cette nuit passer dans leur QG a profiter de l’expérience de Monsieur Toguo. Je garde précieusement les moments passés avec mes aînés ( Omraam Tatcheda Guy Woueté, Sarah Dauphiné Tchouatcha, Joel Mpah Dooh ) a discuté de l’art et à profiter des conseils qu’ils donnaient avec générosité.

Ce fut une réelle, sincère et généreuse aventure humaine. Je ne vous ai pas oublié vous qui m’avez donné la force tous les jours en m’encourageant à travers les réseaux sociaux. Vous qui sans me connaître partagiez et relayiez mes informations. Un merci spécial à mon amie Marcelline Mbogo, Marius Jidé Dakpogan, Seshie Kossi, Harold Kuassi …Merci à vous tous car vous êtes des dizaines à m’accompagner.

L’humain au Dak’art fut aussi ces rencontres improbables. L’occasion de serrer dans ses bras un ami virtuel : Oumou Diarra, Bijou Sylvia Somba, Isaac Sahani Dato, Lebon Chansard Zed,@Tobe Geraldine, Mariusca Moukengue, Abdou Diouf Ndiaye ...

L’art s’est humain.

Merci les humains.

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