Après ses nombreuses réflexions et expositions autour de la résilience, de l’humain et de l’immigration, Yvon nous présente son nouveau travail TRACES à l’Espace doual’art.
TRACES est une exposition multimédia résultante d’une série d’expériences entamées par Yvon en 2017 pendant le pic de la crise sécuritaire. Crise que connaissent les Régions du Nord et de l’Extrême-nord Cameroun. Il s’agit non seulement d’un travail sur la mémoire des déplacés internes camerounais, mais aussi d’une expérimentation de notre sensibilité vis-à-vis des personnes vivantes dans des zones de guerre.
Loin d’un geste artistique purement documentaire, Yvon, à travers ce nouveau travail explore davantage les profondeurs de son mind artistique pour nous amener vers quelque chose de plus expérimentale, riche en termes d’écriture et d’esthétique. Au sein de cette exposition il nous dévoile un nouveau visage à travers la peinture, la photo, les estampes de gravure, l’installation, le texte, la céramique et divers médiums. Son langage s’inscrit dans une logique de déconstruction/reconstruction artistique et d’une
réappropriation des expériences de ces déplacés internes face aux affres de la guerre et aux réponses inappropriées des organismes étatiques et humanitaires.
L’exposition TRACES dans son parcours est un voyage artistique à travers lequel l’artiste nous propose une balade sensible et émotionnelle. Le premier moment, consacré à une sorte de récit documenté est un croisement de médium où la photographie, l’installation et le texte font corps sous une tente qui renvoie au cliché du « temporairement définitif » qu’on connait de l’aide humanitaire /alimentaire. Cette installation est un espace de méditation où l’artiste nous invite à nous confronter à la situation déplorable des déplacés. Il pose le doigt sur l’économie de la misère, terrain de chasse de l’aide dite humanitaire à travers des signes/denrées métaphoriques tels que : le riz, le haricot et le maïs.
La deuxième articulation de cette exposition marque une transition du travail de l’artiste vers une recomposition de signes. Dans une série de 8 photogravures, il nous introduit dans des illustrations imaginaires brodées, relatant des solutions très souvent prises par ces personnes pour aspirer à une vie confortable (terrorisme, l’immigration, la prostitution, etc.). Ici, la résilience est le maître mot.
La suite de ce voyage nous emmène vers un souhait de l’artiste : celui de révéler l’identité d’une communauté qui se perd dans le regard d’une société obnubilée par la surinformation. Dans une démarche d’immersion, il tente de nous focaliser sur les faits sans intox-démagogique. À travers une substitution d’estampes aux formes aériennes, colorées et poétiques, qui contrastent avec des matrices de gravures à l’encre, l’artiste capture des scènes du quotidien. Au sol, au mur ou suspendues, les œuvres, dans un schéma labyrinthique, nous offrent une possibilité de déambuler autour de ce qui reste de ces âmes en proie aux circonstances de la violence contemporaine.
« Le sel de la terre », épilogue de cette exposition est une installation faite de sable, de lumière bleue, de papiers mâchés (l’eau, les fleuves), d’illustrations sur papier-carbone, est un lieu de méditation. L’artiste représente par des empreintes palmaires et faciales des traces, l’Homme à la fois présent et absent. Le public est invité à se déchausser, s’approprier l’espace et à se mettre en condition de méditation à travers une série de questions que l’artiste pose vis-à-vis de la fragilité qui pousse ces réfugiés dans les bras
des terroristes ou vers l’immigration clandestine. Que reste-t-il de leur mémoire ? Quelles mémoires avons-nous de ces personnes qui se font happer par le temps et disparaissent ?
L’exposition TRACES de Yvon NGASSAM est une interpellation à préserver notre empathie et à vibrer au rythme des identités contemporaines qui pour lui, sont un caractère essentiel de notre humanité.
Patrick NGOUANA
Yves MAKONGO
Marilyn DOUALA MANGA BELL
